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Le Tarot ne se limite pas à un langage visuel : il s’exprime aussi par le corps. Les gestes des personnages des arcanes majeurs évoquent parfois les mudrās sacrés de la tradition hindoue, un peu comme une exploration sensible de cette résonance entre postures spirituelles et symbolisme tarologique.
Quand les mains parlent le langage sacré de l’âme
Dans l’univers du Tarot, chaque carte est un monde, chaque image, une porte. Mais au-delà des couleurs, des regards et des objets, il existe un langage plus subtil, plus silencieux, que nous oublions parfois d’observer : celui des gestes. Nos mains, nos postures, nos doigts… ces détails minuscules recèlent une mémoire spirituelle ancienne. Et si, à travers eux, le Tarot rejoignait une tradition millénaire venue d’Inde : celle des mudrās ?
Ce que je propose d’explorer ici, c'est cette rencontre inattendue, mais profonde, entre le symbolisme hindou des gestes sacrés et l’iconographie du Tarot. Non pas pour plaquer des systèmes l’un sur l’autre, mais pour écouter ce qu’ils nous chuchotent ensemble, car parfois, une main levée ou deux doigts joints en disent plus long qu’un long discours ésotérique.
Les mudrās : gestes sacrés du corps et de l’âme
En sanskrit, mudrā signifie littéralement « sceau » ou « signe ». Ce sont des gestes codifiés, utilisés dans les rituels hindous, bouddhistes, dans le yoga et la danse sacrée. Ils ne servent pas seulement à exprimer quelque chose, ils activent une énergie, ils orientent la conscience. Chaque position des doigts ou du corps devient ainsi un véhicule de transformation intérieure.
Dans la tradition indienne, les mudrās sont souvent associés à des éléments : terre, eau, feu, air, éther. Ils rééquilibrent, recentrent, éveillent, mais surtout, ils incarnent l’idée que le corps est un temple et que chaque partie de lui peut participer à la prière, à l’alignement, à l’offrande.
Quand le Tarot devient un théâtre de gestes
Si nous observons les arcanes du Tarot avec cette même attention, nous pouvons voir qu'un nombre importants d’arcanes montrent des figures humaines, bien campées, les mains bien visibles. Or, ces mains ne sont jamais posées là par hasard. Elles forment des gestes précis, parfois discrets, mais surtout porteurs d’un sens profond.
Prenons par exemple l'arcane du Pape : sa main droite est levée en signe de bénédiction, les deux doigts tendus vers le ciel et les deux autres repliés vers la terre. Ce geste, que l’on retrouve dans l’iconographie chrétienne, correspond aussi à un mudrā de transmission. Il s'agit d'une ouverture entre le haut et le bas, d'une reliance entre le divin et le terrestre. Il incarne à lui seul une circulation d’énergie spirituelle.
Regardons aussi l'arcane de la Papesse, assise, les mains posées sur un livre entrouvert. Dans certaines versions, ses doigts semblent former un geste d’écoute ou de silence intérieur. Là encore, il y a un écho aux mudrās de concentration ou de rétention de l’énergie (dhyāna mudrā, par exemple).
Le Bateleur, quant à lui, semble montrer le ciel d’une main et la terre de l’autre. C'est un geste d’ancrage autant que de magie opérative. Ce n’est pas sans rappeler la maxime hermétique : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Ce geste de liaison entre les plans est aussi un mudrā implicite : un appel à l’union.
Vers une lecture incarnée et vivante du Tarot
Réintroduire cette dimension gestuelle dans notre lecture du Tarot, c’est inviter le corps dans le rituel. C’est ne plus seulement « voir » la carte, mais la « ressentir » dans son propre corps. C’est se demander, à chaque tirage : que font les mains ? Quel mouvement intérieur m’invitent-elles à vivre ?
Les mudrās ne sont pas à « plaquer » sur le Tarot, comme s’il s’agissait d’un système unique à déchiffrer. Ils offrent plutôt des résonances, des ponts symboliques, des outils pour approfondir l’expérience intuitive et c’est cela, le cœur de la démarche : habiter les symboles, les laisser se déposer en soi, dans la chair, dans le souffle, dans les gestes.
Un tirage peut alors devenir une méditation en mouvement. On peut expérimenter un arcane en reproduisant son geste, en observant ce qu’il déclenche en nous, comme la main du Pape éveille en nous la posture de transmission, le silence de la Papesse qui invite à se recueillir, ou encore, la main du Mat qui, ouverte, libre, nous incite à oser le départ.
Un art de l’union, entre Orient et Occident
Il ne s’agit pas ici de comparer deux traditions pour en faire un syncrétisme artificiel, mais plutôt de reconnaître que, partout dans le monde, les gestes ont toujours été porteurs de sagesse. Que ce soit dans les temples de l’Inde ou dans les images du Tarot de Marseille, les mains disent, montrent, transmettent. Elles tracent des chemins invisibles entre le visible et l’invisible.
Le Tarot, dès lors, ne se lit plus seulement comme un livre symbolique : il se pratique comme une danse intérieure. Il devient un art du geste sacré, une invitation à unir le corps, l’âme et l’esprit dans l’acte même de tirer les cartes.
Le symbole incarné, la main révélée
Les mudrās nous rappellent que le corps est un langage sacré, et le Tarot, en tant qu’outil de transformation, gagne en profondeur lorsque nous nous mettons à l’écouter avec le regard du corps. Chaque figure devient alors un miroir de nous-mêmes : pas seulement dans nos pensées, mais dans nos postures, nos élans, nos gestes quotidiens.
Peut-être est-ce cela, la véritable lecture intuitive : ressentir les cartes avec nos mains autant qu’avec notre esprit et reconnaître, dans un simple mouvement du doigt ou de la paume, une porte vers un monde plus vaste. Là où le geste devient prière et l’image, chemin.
Nathalie MENDES
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